Le président kényan William Ruto a ordonné mercredi aux forces de l’ordre de tirer dans les jambes des manifestants pour les neutraliser sans les tuer. Cette déclaration intervient deux jours après les manifestations antigouvernementales du lundi 8 juillet, au cours desquelles 31 personnes ont perdu la vie, selon les chiffres officiels.
« Quiconque brûle les biens d’autrui… qu’on lui tire dans la jambe, qu’on l’emmène à l’hôpital, puis qu’il soit jugé », a-t-il déclaré dans un discours très ferme, précisant qu’il ne s’agissait pas de tuer, mais d’immobiliser.
Lundi, de violents affrontements ont éclaté dans plusieurs villes du pays, notamment à Nairobi et Eldoret. Les forces de sécurité ont bloqué l’accès à de vastes zones, usé de gaz lacrymogènes, de canons à eau et tiré à balles réelles pour disperser les foules. De nombreux commerces, hôpitaux et infrastructures ont été saccagés ou incendiés. Le président Ruto a affirmé que ceux qui s’en prennent aux entreprises, aux policiers ou aux installations publiques sont des « terroristes » et a promis une réponse ferme de l’État.
Un climat social explosif
Ces violences surviennent dans un contexte de colère populaire croissante, notamment après la mort d’un blogueur politique en garde à vue le mois dernier. De jeunes Kényans, pour la plupart au chômage, se mobilisent sur les réseaux sociaux pour exprimer leur frustration face au coût de la vie, à la corruption et aux violences policières. Leur mot d’ordre : faire de Ruto un président à mandat unique, malgré son arrivée au pouvoir il y a moins de trois ans avec des promesses de justice sociale et de réformes sécuritaires.
Mais selon ses détracteurs, Ruto trahit ses engagements et fait preuve de mépris face aux revendications populaires. Son ministre de l’Intérieur, Kipchumba Murkomen, a qualifié les manifestations de « tentative de coup d’État » menée par des « anarchistes criminels ». Une rhétorique rejetée par plusieurs observateurs, qui y voient une stratégie pour délégitimer un mouvement citoyen de plus en plus structuré.
La police accusée de collusion avec des milices
La Commission nationale kényane des droits de l’homme a pour sa part dénoncé la présence de bandes armées, équipées de fouets et de machettes, opérant aux côtés des policiers lors des manifestations. Elle pointe du doigt une dérive sécuritaire préoccupante et demande une enquête sur ces collusions. La police, elle, n’a pas réagi à ces accusations, tout en niant par le passé toute collaboration avec des « sbires ».
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La situation reste tendue à Nairobi et dans d’autres grandes villes. Les ONG de défense des droits humains appellent au respect des libertés fondamentales et à la désescalade. Mais face à la posture inflexible du président Ruto, la crainte d’un durcissement du régime grandit.