La Cour pénale internationale a rendu un verdict historique ce jeudi, en condamnant deux responsables centrafricains pour leur implication dans des exactions dirigées contre les civils musulmans. Ces actes de persécution, commis en 2013 et 2014, s’inscrivent dans une vague de violences intercommunautaires particulièrement sanglante, survenue alors que la République centrafricaine sombrait dans le chaos. Le pays était alors déchiré par une guerre civile, déclenchée par la prise de pouvoir des rebelles Séléka et marquée par l’effondrement des institutions et l’escalade des tensions religieuses.
Les juges ont infligé des peines de 12 et 15 ans de prison à Patrice-Édouard Ngaissona et Alfred Yekatom, deux chefs des milices anti-Balaka. Ils ont dirigé des attaques ciblées contre des populations musulmanes dans plusieurs localités, orchestrant une campagne de terreur à caractère confessionnel.
Deux leaders accusés de crimes de guerre et d’humanité
Les juges ont reconnu les deux hommes coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, notamment de meurtres, de torture, de transferts forcés et de persécutions. Ngaissona, ancien responsable d’une équipe nationale de football, dirigeait les milices anti-Balaka depuis plusieurs années. Le tribunal l’a décrit comme un acteur clé de l’organisation, responsable de l’encadrement stratégique des opérations. Quant à Alfred Yekatom, surnommé « Rambo », il dirigeait environ 3 000 miliciens et n’hésitait pas à encourager les atrocités de ses hommes.
Les deux accusés avaient plaidé non coupables lors de l’ouverture de leur procès en 2021. Cependant, les témoignages, preuves audiovisuelles et documents présentés durant les audiences ont convaincu les juges de leur implication directe et volontaire. Le tribunal a souligné l’absence de remords de leur part, ce qui a pesé dans le verdict final. Ces peines marquent une étape importante dans la quête de justice pour les victimes des violences intercommunautaires en Centrafrique.
Un conflit sanglant aux racines profondes
Les milices anti-Balaka ont vu le jour en 2013, en réaction à la prise du pouvoir par les rebelles Séléka, une coalition majoritairement musulmane. Après des mois de violences, les anti-Balaka ont lancé des représailles contre les communautés musulmanes, plongeant le pays dans une spirale de haine et de vengeances. Le conflit a déplacé des centaines de milliers de personnes et provoqué une crise humanitaire majeure. La communauté internationale, bien que présente sur le terrain, n’a pas toujours su empêcher les exactions.
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La CPI mène des enquêtes en Centrafrique depuis mai 2014. L’institution cherche à établir les responsabilités des deux camps belligérants. Actuellement, un procès visant un dirigeant de l’ex-coalition Séléka est également en cours devant les juges de La Haye. Cette approche équilibrée, bien que complexe, vise à rompre le cycle d’impunité qui mine le pays depuis plus d’une décennie. Les défenseurs des droits humains espèrent que ces condamnations ouvriront la voie à une réconciliation durable.