Depuis le début des années 2000, l’Afrique a connu une vague de révisions constitutionnelles qui ont permis à plusieurs présidents de se maintenir au pouvoir au-delà des limites initialement fixées par la loi. De l’Ouganda à la Côte d’Ivoire, en passant par le Togo, le Rwanda, le Congo-Brazzaville, le Cameroun ou encore la Guinée-Equatoriale, des chefs d’État ont modifié les règles du jeu démocratique pour prolonger leur règne. Ce phénomène trahit un affaiblissement du respect de la Constitution, pourtant censée incarner le socle de la démocratie moderne.
Le cas récent du président camerounais Paul Biya illustre bien cette tendance. Âgé de 92 ans, il a annoncé sa candidature pour un huitième mandat, alors qu’il dirige le pays depuis 1982. En 2008, il avait déjà fait sauter la limitation des mandats présidentiels.
Le Togo offre un autre exemple tout aussi parlant : après la mort de Gnassingbé Eyadéma en 2005, son fils Faure Gnassingbé lui a succédé dans un climat contesté, avant de se faire réélire à plusieurs reprises. En 2019, une réforme constitutionnelle controversée a réinitialisé le compteur des mandats, lui permettant théoriquement de rester au pouvoir jusqu’en 2030. A la surprise générale, il fait passer le pays de la 4è à la 5è République en optant pour le régime parlementaire, ce qui lui permet de diriger le Togo à vie. Ces manipulations institutionnelles minent gravement la crédibilité du processus démocratique.
Oppositions muselées et sociétés civiles affaiblies
Outre les révisions constitutionnelles, c’est aussi par la répression des oppositions politiques et la restriction des libertés publiques que les régimes africains consolident leur autoritarisme. Les arrestations arbitraires, les procès politiques, la censure des médias et la criminalisation des mouvements citoyens forment un arsenal régulièrement utilisé pour dissuader toute contestation. Le recul démocratique se mesure alors non seulement dans les urnes, mais aussi dans la rue, où la liberté de manifester est souvent brutalement réprimée.
Au Togo comme au Cameroun et en Ouganda, les opposants sont régulièrement victimes d’intimidations, d’arrestations ou d’ostracisation médiatique. Dans de nombreux pays, la société civile tente de résister, mais elle se heurte à des pouvoirs étatiques centralisés, appuyés parfois par des forces de sécurité loyales et impitoyables. Les jeunes, principaux porteurs d’alternatives politiques, finissent souvent désabusés, exilés ou marginalisés. Cette désillusion contribue à la perte de foi en la démocratie comme voie crédible pour le changement.
Un avenir incertain pour la gouvernance africaine
Ce recul démocratique n’est pas sans conséquences. Il affaiblit la légitimité des institutions, fragilise la cohésion sociale et nourrit des tensions qui peuvent dégénérer en crises violentes.
À terme, la concentration du pouvoir entre les mains d’une seule élite, sans contrôle citoyen effectif, compromet la stabilité et le développement durable du continent.
Il est donc urgent que les États africains, les institutions régionales comme l’Union africaine, ainsi que les partenaires internationaux s’engagent résolument pour défendre les principes démocratiques. Car sans alternance, transparence et respect des droits fondamentaux, l’Afrique ne pourra relever les défis économiques, climatiques et sociaux qui s’imposent à elle avec une gouvernance efficace et légitime.

