La démocratie semble perdre peu à peu son sens dans plusieurs pays d’Afrique francophone. L’annonce récente du président ivoirien Alassane Ouattara, candidat à un quatrième mandat, illustre une dérive inquiétante. Ce nouvel épisode ravive un débat devenu récurrent : celui de la confiscation du pouvoir au mépris des principes démocratiques. Les constitutions, censées garantir l’alternance, se transforment en outils de manipulation politique au profit de quelques individus déterminés à s’éterniser au sommet de l’État.
Des opposants naguère porteurs d’espoir comme Alpha Condé, Macky Sall, Faustin-Archange Touadéra ou encore Ouattara ont tous reproduit les dérives qu’ils condamnaient jadis. Une fois élus, ils ont oublié leurs promesses et imposé leur mainmise sur l’appareil d’État.
Leur maintien au pouvoir trahit les aspirations populaires et installe la résignation.
Démocratie confisquée et institutions manipulées
Ces régimes ne se contentent pas de modifier les constitutions. Une fois au pouvoir, ils imposent un autoritarisme structuré. Ils traquent les opposants, les jettent en prison ou les réduisent au silence. Ils répriment les libertés publiques avec brutalité.
À chaque élection, ils transforment le scrutin en simulacre, éliminent les vrais rivaux avant même la campagne. Ils musellent les médias indépendants, diabolisent les militants citoyens. Ainsi, ils vident la démocratie de sa substance et s’en servent comme vitrine pour justifier leurs abus.
Âgé de 92 ans, Paul Biya a annoncé sa candidature pour un huitième mandat, alors qu’il dirige le pays depuis 1982. En 2008, il avait déjà fait sauter la limitation des mandats présidentiels.
Le Togo offre un autre exemple tout aussi parlant : après la mort de Gnassingbé Eyadéma en 2005, son fils Faure Gnassingbé lui a succédé dans un climat contesté, avant de se faire réélire à plusieurs reprises. En 2019, une réforme constitutionnelle controversée a réinitialisé le compteur des mandats, lui permettant théoriquement de rester au pouvoir jusqu’en 2030. A la surprise générale, il fait passer le pays de la 4è à la 5è République en optant pour le régime parlementaire, ce qui lui permet de diriger le Togo à vie. Ces manipulations institutionnelles minent gravement la crédibilité du processus démocratique.
Le silence coupable de la communauté internationale
Alors que la régression démocratique s’accentue, les réactions internationales restent timides. L’Union africaine, la CEDEAO, la CEMAC, l’OIF et d’autres institutions régionales peinent à se faire entendre. Les grandes puissances, quant à elles, adoptent souvent une posture complaisante, priorisant leurs intérêts géostratégiques et économiques.
Ce silence, perçu comme une forme de complicité, nourrit le cynisme des dirigeants autoritaires, convaincus qu’ils peuvent agir sans conséquences ni pressions réelles.
Un avenir incertain pour la gouvernance africaine
Ce recul démocratique fragilise les fondements de la gouvernance en Afrique francophone. Il affaiblit les institutions, divise les sociétés et fait peser un risque croissant d’instabilité. En concentrant le pouvoir entre les mains de quelques-uns, ces régimes compromettent les perspectives d’un développement durable et équitable.
Il devient urgent de reconstruire une culture politique fondée sur l’alternance, la transparence et le respect des droits fondamentaux. Car sans réformes profondes et engagement collectif, la démocratie africaine restera prisonnière de ses contradictions.

